Réseaux sociaux et santé : mince alors !

Selon l’Institut national français de la santé, « l’âge d’apparition des cas d’anorexie mentale est de plus en plus précoce, avec des diagnostics posés chez des enfants dès 8 ans, et un pic à l’âge de 16 ans » © Getty Images

Culte de la minceur, apologie des régimes et de standards de beauté filiforme : les nouveaux médias alimentent les risques de troubles alimentaires. Un sujet évoqué ce mercredi à 23h40 sur Arte dans le film «Club Zero».

Au début des années 2010, le « Thigh gap challenge » fait un malheur sur les réseaux sociaux. Des dizaines de milliers de jeunes filles sont subitement prêtes à tous les exercices physiques et régimes alimentaires possibles pour atteindre l’idéal de corps en vogue à l’époque : avoir un écart le plus grand possible entre les cuisses (d’où le nom « thigh » : cuisse, « gap » : écart).

Influenceurs et influenceuses de tout poil se muent instantanément en coaches spécialisés dans le domaine. « 30 minutes spéciales «  taille mannequin  » », « 5 minutes d’exercices thigh gap, résultats rapides »… : les vidéos deviennent virales. Les années passent, les challenges et les hashtags minceurs se multiplient. En 2023 par exemple, le défi Ozempic, (« #OzempicChallenge ») promeut la perte de poids rapide en utilisant un médicament destiné aux personnes atteintes de diabète de type 2… L’obsession de la minceur comme critère de beauté sature les réseaux sociaux. Les conséquences sur les troubles de conduites alimentaires (TCA) explosent. Une étude de la Fédération française anorexie boulimie documente une hausse des TCA d’environ 30 % depuis la pandémie.

Amplificateurs

L’influence de la communication n’est pas nouvelle. Avant l’arrivée des nouveaux médias, « la télévision et les magazines de mode exercent déjà une influence importante sur les préoccupations liées à l’image corporelle, l’estime de soi et aux standards de beauté », explique dans sa revue Digital l’école de commerce HEC Montréal. Les photos sont retouchées, les mannequins font les couvertures de la presse et dictent les critères de beauté. « Des femmes dont l’indice de masse corporelle (IMC) tourne autour de 16, à savoir classé dans la maigreur par l’OMS. » Internet et les réseaux vont amplifier le phénomène et répandre les fausses croyances alimentaires. Dans ce contexte, les jeunes sont les plus exposés à des contenus possiblement dangereux et aux risques de troubles des conduites alimentaires, principalement l’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie boulimique.

Les jeunes victimes

L’utilisation excessive des réseaux sociaux et ces troubles sont-ils liés ? Sans démontrer formellement ce lien, une étude publiée dans Le Journal de l’Académie de nutrition et de diététique américaine le rend plausible. Les auteurs ont interrogé 1.765 personnes âgées de 19 à 32 ans. Résultat de l’enquête : celles qui surfaient le plus sur les réseaux sociaux présentaient un risque sensiblement plus élevé (entre 2,2 et 2,6 fois plus) de développer des troubles alimentaires. « L’usage intensif de Facebook, Instagram, etc. favoriserait l’obsession de la minceur et de l’alimentation saine en diffusant d’innombrables images de corps sveltes, en exhortant les utilisateurs à manger sain ou en les incitant à se lancer dans des «  challenges fitness  » ». Selon l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale, « l’âge d’apparition des cas d’anorexie mentale est de plus en plus précoce, avec des diagnostics posés chez des enfants dès 8 ans, et un pic à l’âge de 16 ans ». Les algorithmes des réseaux sociaux favorisent l’enfermement dans des « bulles » de contenus similaires, valorisant des silhouettes à la minceur extrême. En altérant la perception de l’apparence physique, les filtres (comme « Snapchat Dysmorphia ») qui modifient les traits du visage augmentent les risques de développer des TCA, montre aussi une étude américaine.

Remède

Les réseaux peuvent donc jouer un rôle important sur l’image du corps et les normes de beauté. Négatif… mais aussi positif. Dans le cas des challenges minceurs, des communautés « body positive » d’internautes se sont mobilisées « pour en finir avec un corps parfait », en faveur de l’acceptation et l’appréciation de tous les types de corps humains. Face à un « adversaire » de poids, peuvent-elles faire pencher la balance de leur côté ? En encourageant la diversité et l’estime de soi, elles aident en tout cas des ados à s’accepter.

Cet article est paru dans le Télépro du 15/5/2025

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